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Limace

29 août 2007

Limace.

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Contrairement a l'escargot, qui jouit d'un haut prestige (gastronomique, economique, symbolique, litteraire, philosophique), la limace inspire une repulsion melee de dedain. Nous voulons reparer cette offense, c'est pourquoi ce site lui est dedie. Il revelera a son sujet d'etonnantes proprietes, etrangement meprisees.

Sur le plan gastronomique tout d'abord : pourquoi ne fait-on pas a la limace l'honneur de la manger ? Fondamentalement, il est absurde de se delecter de l'escargot et de rejeter le gout delicat de la limace. Celle-ci en effet recele des qualites gustatives insoupconnees. Certains objecteront que la taille de la limace, celle que l'on trouve dans les forets francaises, superieure a celle de son rival a coquille, la rend peu idoine a la degustation, car il est impossible de la manger d'une seule bouchee. Outre que cet argument temoigne de la naturalisation facheuse d'une habitude alimentaire, aisement modifiable nous retorquerons qu'il existe des varietes de limaces aux proportions reduites. En envisageant, par la vertu de ce contre-argument, une importation massive de petites limaces, il n'est pas question pour autant d'en faire une sorte de succedanne honteux de l'escargot, a la maniere de la truite fumee. La limace est delicieuse et se marie a la perfection aux plus grands vins de Bourgogne. De hardis collaborateurs ont aussi decouvert qu'elle se gobait merveilleusement bien. Par ailleurs, sur le plan dietetique, la limace est un met equilibre, dont la teneur en collagene est benefique pour la peau. Cette parembole scientiste ne saurait faire oublier la dimension symbolique de la limace. Manger la limace, c'est avant tout manger un signifiant (1). En l'occurrence, la limace est porteuse de sens. Symbole de la desinvolture vulnerable, du refus de transiger sur son mode d'etre, d'un mepris des biens materiels, d'un nomadisme decomplexe, d'une vie en marge de la frenesie capitaliste, la limace pourrait devenir l'embleme d'une generation. L'escargot au contraire serait le symbole sarkozyste du proprietaire. La limace est precaire et disponible, receptive-passive. L'ingerer serait s'approprier ses proprietes symboliques. S'il est peu douteux qu'ingerer un Big Mac, c'est adherer au "reve americain" (qui n'est par ailleurs plus exclusivement territorialise), manger une limace c'est faire siennes les valeurs alternatives qu'elle porte en elle. L'homme peut varier son symbolisme mais ne peut se passer de symbolisme. Jouons donc fiction contre fiction. Et profitons-en par la pour oublier l'odieuse entreprise de denigrement pongien (lire "L'Escargot" dans Le Parti pris des choses), penible pensum ou le futur nationalisme du poete montre ses premisses dans l'exaltation d'un symbole franco-francais au detriment de la limace. Opposition facile, forcee. (2)

Les ennemis du liberalisme expansif, de son mepris de la "depense improductive", pourraient se reclamer de la limace. La promouvoir comme une condensation de valeurs allant a contre-courant. Visitez notre boutique en ligne. Vous pourrez y acheter divers objets siglés avec le logo de la LCR : briquets, stylos, T-shirts... Faites vous plaisir : les porter ostensiblement, c'est d'une part augmenter la visibilite de la limace, et aussi occasionner des discussions dans votre entourage. Nous concluerons en appelant tout lecteur sensible aux nombreuses qualites de la limace a oeuvrer en sa faveur. A favoriser par tous les moyens sa rehabilitation et a la proteger des assauts de malveillance. Elle en a besoin.

Le collectif "LIMACE".

(1) La langue japonaise est riche en occurrences des phonemes [limas]. Par exemple "orimasu" [olimas], lit. "je descends" (O limace !, permettant d'acceder a la transdescandence). "Shimarimasu" [shimalimas], "(les portes) se ferment" ("chie ma limace", en accord avec la symbolique freudienne du metro et sa plongee dans d'obscures voies souterraines). Une des formules de politesse les plus subtiles, servant a s'excuser en remerciant lors d'un service rendu, aussi minime soit-il, est "osoreirimasu" [osolei limas] ("au soleil, limace", resplendissante limace pentocrator). "Il y a" se dit "arimasu" [alimas] ("Ah, limace" : un certain "mono no aware", presque un haiku : vertige fixe).

En francais, [limas] s'entend "lis, masse!", injonction urgente pour retrouver l'ante-spectaculaire.

En franglais, nous entendons "lime ass", du verbe limer, et de "ass" (cul). Voila qui montre bien la violence latente de la limace, de son anomalie decroissante, prete a eroder, petit a petit, le fondement du systeme. La limace est bel et bien un defi au systeme, c'est "l'ennemi du dedans" dont parle Bataille. Voila pourquoi on l'a toujours exterminee, symboliquement et reellement.

(2) Il semble tout a fait aberrant que l'expression idiomatique "quelle limace !" ait un sens pejoratif.

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